Le secret de Zoya

 

 

 

 

 

Je m’appelle Zoya, j’ai sept ans. Je vis dans un petit village dans un pays lointain.  Depuis peu, des vilains messieurs barbus au regard méchant, tenant des fusils sont arrivés sur la place du village en tirant en l’air dans de grosses voitures qui dégageait de la poussière en freinant. Ils nous ont obligés à mettre une grande robe et interdit d’aller à l’école, nous avons très peur et nous restons cachés dans la maison. Il fait nuit, mon papa, le regard triste et les mains tremblantes, à voix basse, nous explique lentement, que demain matin, très tôt, nous quitterons le village afin de fuir ces vilains messieurs et rejoindre, à la frontière, un camp de réfugiés situé à une journée de marche. Il fait encore sombre quand, larmes aux yeux et cœur lourd, nous rassemblons quelques affaires dans un balluchon et silencieusement, nous nous mettons en marche. Je serre fort ma poupée que j’ai caché sous mon bras et je cramponne la main de ma grande sœur, il commence à pleuvoir. Trempés et frissonnants, nous avançons lentement en silence, la tête basse, ponctuée par le bruit de nos pas dans la boue. Nous faisons plusieurs haltes pour nous reposer et nous restaurer frigorifiés cachés derrière des buissons. J’ai sommeil, j’ai froid, j’ai faim je pense à mon petit lit et à la maison bien chaude. 

J’ai l’impression que l’on va marcher longtemps longtemps…D’autres familles se joignent à nous, nous nous regardons sans nous parler, fatigués et tristes. La frontière n’est plus très loin et enfin nous touchons au but.             Nous arrivons dans un endroit où sont installées des tentes et où fourmillent, dans un brouhaha de cris et de pleurs, des femmes, des hommes, des enfants, des vieillards, des chiens, des chèvres. Papa se tourne vers nous pour dire que nous allons vivre ici, dans ce camp entouré de barbelés gardés par des militaires, avec des gens comme nous qui ont tout laissé derrière eux, j’ai entendu le mot réfugié, nous sommes des réfugiés je ne sais pas ce que cela veut dire mais je sais que je suis loin de mon village, de ma maison, de mon chez moi. On nous installe dans une tente avec d’autres familles et harassée de fatigue les pieds glacés je m’endors. Le lendemain matin j’ai très mal à la tête j’ai froid j’ai chaud papa inquiet me prend dans ses bras et m’emmène vers les gardes qui nous dirigent vers une tente occupée par des personnes habillés de blouses blanche. 

L’infirmière de Médecin sans Frontières est très gentille elle s’appelle Magali, elle me fait des sourires et me caresse les cheveux en me donnant des comprimés pour me soigner. Au moment de repartir dans ma tente, elle m’offre un livre avec de belles images, ce sont des contes de fées, des histoires pour rêver me dit-elle. Je l’emporte avec moi serré contre mon cœur sous ma robe et je le cache sous ma paillasse. J’attends le soir, pour ouvrir en cachette mon beau livre et là je découvre un monde étrange pleins de jolies couleurs, des enfants comme moi qui rient qui jouent et courent dans des endroits pleins de soleils entourés d’animaux merveilleux. Je referme doucement mon beau livre pour le remettre sous le matelas sans bruit. 

Et là, coup de baguette magique ! Je me transforme en jolie princesse vêtue d’une grande robe scintillante, des bijoux autour du cou, des bracelets à mes poignets, des bagues de toutes les couleurs à mes doigts, des boucles d’oreilles dorées… Je me fais ami avec un lapin d’une blancheur immaculée, il m’accompagne partout en me tenant la main et m’emmène dans une prairie immense où des fleurs par milliers parfument délicatement l’air. 

Une jolie jeune fille, les cheveux au vent, des petites ailes transparentes posées sur ses épaules, volette au-dessus de ma tête, elle me tend la main et m’invite à l’accompagner dans les airs, je vole ! C’est extraordinaire ! Je m’assois sur les nuages et distingue en bas, des tentes minuscules et tout autour : des fourmis ? Non, pas des fourmis ! Ce sont des êtres humains ! Je me rapproche pour apercevoir mon père qui me fait des grands gestes je lui souris, lui envoie des baisers et mon doigt sur mes lèvres lui fait comprendre de ne rien dire à personne. 

Je pars, je quitte ce triste endroit sinistre sale qui sent mauvais pour aller dans la lumière. Je survole des forêts touffues aux arbres gigantesques, des lacs couleur jade, des montagnes enneigées, des cascades au fracas étourdissant.  Au-dessus des océans, des dauphins m’accompagnent en bondissant au-dessus des vagues. Je suis émerveillée de découvrir cette nature aussi belle. Je décide enfin de me poser près d’une rivière, mon amie la fée me désigne un tapis de mousse au doux parfum. Fatiguée, je m’endors bercée par le chant des oiseaux, le sourire aux lèvres et la tête remplie d’images de ce monde merveilleux. 

Je me réveille, il fait froid, j’entends la pluie tomber sur la tente, les larmes me montent aux yeux. 

Je m’empresse de mettre la main sous mon matelas, il est là, bien caché. 

 

Les années passent, nous sommes à Paris invités au premier défilé d’un couturier qui va présenter pour la première fois sa collection de prêt à porter. C’est fini, la mariée va clore le défilé, elle marche lentement, une longue robe blanche scintillante modelant son corps, de grandes ailes dorées sur ses épaules, cheveux au vent et bracelets multicolores aux poignets. 

Cachée derrière les rideaux qui s’ouvrent, le regard inquiet les jambes tremblantes tenant serré contre sa poitrine un livre tout écorné, une jeune et jolie femme la suit sous un tonnerre d’applaudissement. 

Les journalistes se précipitent vers elle pour l’interviewer, et la féliciter pour ce magnifique défilé. Un jeune homme, curieux, lui demande si ce livre pressé si fort sur son cœur est un porte-bonheur, les larmes dans les yeux, ébauchant un timide sourire, Zoya lui murmure un doigt sur ses lèvres « chut c’est un secret !! ». 

 

 

 

Françoise HURTAUD

 

 

 

 


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