L'amnésique des tranchées
L’incroyable énigme d’Anthelme Mangin
de Jean-Michel Cosson publié en avril 2014
présenté par Yvette Decker
Ce livre relate l’histoire d’Anthelme Mangin, soldat revenu vivant du front, mais sans mémoire.
1er Février 1918, gare de Brotteaux plongée dans une totale obscurité, un gendarme attend la relève et aperçoit Anthelme, il lui demande ce qu’il fait là, la réponse est
- J’sais pas.
A toutes les questions même réponse.
- J’sais pas.
Quand on lui demande son nom il déclare s’appeler Mangin, on lui demande de confirmer il répond.
- Non c’est pas mon nom.
Le gendarme poursuit son interrogatoire, mais passablement énervé il dirige Anthelme vers l’asile départemental de Bron.
De nouveau soumit à de nombreuses questions, on le prend pour un simulateur, le fusiller est envisagé.
Le 23 Février 1918 il est reconnu amnésique, commence alors des investigations pour retrouver son passé, et une éventuelle famille qui pleure un des siens.
Il est transféré à l’asile Ste Marie de l’Assomption où il partage sa chambre avec un autre amnésique, plus chanceux que lui, puisque dans un délire fiévreux, ce dernier cite le nom d’un compagnon d’armes, Boulard. Ce soldat est retrouvé, il le reconnaît, sa famille est contactée.
A la vue des siens sa mémoire remonte à la surface.
11 Novembre 1918, l’Armistice, il y eu quatre cent mille disparus. Quatre cent mille familles et bien peu qui acceptent de renoncer à l’espoir.
L’année 1919 marque le commencement des investigations pour retrouver la famille d’Anthelme.
Il est ausculté sur toutes les coutures, mentionnant les particularités corporelles, renseignements indispensables pour les familles.
Le 23 Décembre 1919 son signalement est diffusé dans les quotidiens régionaux, les lettres des familles affluent, elles demandent une photo.
Il y a Rosalie de Rodez qui croit reconnaître son frère, elle se rend à l’asile avec une photo du disparu. La ressemblance n’est pas frappante, mais Rosalie se jette sur lui, l’embrasse, il la reçoit comme une inconnue indésirable, avant de la repousser d’un geste brusque.
Qu’à cela ne tienne Rosalie, faisant jouer ses relations, dépose une demande officielle de reconnaissance auprès du ministre des pensions, afin de retirer Anthelme de l’asile. Dans un premier temps elle obtient gain de cause.
Anthelme est transféré à l’asile de Rodez au bon soin du docteur Fenayrou qui examine chaque demande de reconnaissance avec prudence, pour le bien de ce dernier.
Anthelme n’est pas rendu à la famille, une nouvelle confrontation est demandée par Rosalie au maire de Rodez, mais Il n’y a pas suffisamment de points concordants pour lui donner satisfaction. Finalement elle vient lui rendre visite deux fois par semaine avec des chocolats qu’il apprécie.
Des familles affluent de tous les coins du pays, cinquante familles de toutes classes sociales sont accueillies dans une grande salle de réfectoire par le docteur, l’ambiance est tendue à l’extrême,
la confrontation est pénible à vivre.
Des sanglots et des cris éclatent.
- C’est lui, c’est lui !…
La confusion est terrible, l’épreuve dure toute la journée.
Excédée par son silence une mère crie:
- Tu le fais exprès !…Ce n’est pas possible que tu ne me reconnaisses pas.
De retour dans sa chambre, épuisé, il ferme les yeux et crie.
- Assez ! Assez !
Suite à ces recherches, neuf familles, sont retenues, elles entreprennent des démarches auprès des instances compétentes capables de leur donner satisfaction.
Une bataille s’engage, les familles sont prêtes à tout.
Ansethelme subit expertises et contre-expertises, il fait face aux élans d’affections de toutes ces femmes qui ne lui sont rien.
Les années passent, nous sommes en 1925, cette année là marque une pause dans les revendications des familles.
De 1927 à 1928, un nouveau flot de demandes arrive, lors de ces nouvelles confrontations, il ne reconnaît personne.
On décide alors, qu’il n’y a plus lieu de le soumettre à ces confrontations et pourtant !…
Les familles ne capitulent pas, s’entredéchirent par avocats interposés.
Le supplice continu jusqu’au 10 Septembre 1942, jour de sa mort, sans avoir appartenu à aucune famille, sa dépouille est déposée dans la fosse commune de Bagneux, sans croix, sans fleurs, sans nom.
En 1944 suite à un reportage du journal Actu signé Emmanuel Carr, un arrêt définitif du 8 mars 1939 à définitivement identifié le malheureux Octave Monjoin comme étant le fils de monsieur Pierre Monjoin, cette famille offrant les meilleurs concordances, mais…
Le corps est transféré en 1948 au cimetière de St Maur ( Indre) où les honneurs lui sont rendus.
En 1944 Jean Anouilh connaissant très bien l’affaire réalise le film: Le Voyageur sans bagage.
En 1998 l’auteur, Jean-Michel COSSON, lors d’un salon du livre en Aveyron, échange une conversation avec un autre auteur qui lui parle de l’affaire Anthelme Mangin, curieux il se procure l’intégralité des archives pour réaliser ce livre-documentaire.
En 1999 Robert Arnaut met en chantier l’histoire d’Anthelme Mangin dans une émission de France - Inter, histoires possibles et impossibles.
Ce jour là, Louise Lemay qui n’écoute jamais la radio, tourna le bouton et fut persuadée qu’il s’agissait de son grand père, elle voulu contacter l’instigateur de l’histoire, mais….
Le 11 Novembre 2004, diffusion sur Arte d’un documentaire sur l’histoire d’Anthelme Mangin.
En résumé, l’histoire d’Ansthelme Mangin rappelle celle du soldat inconnu reposant sous l’Arc de Triomphe, les médias ont été pour beaucoup à faire connaître cet incroyable et douloureux destin. Les recherches d’ADN n’étaient pas hélas d’actualité, dommage.
Yvette DECKER