Moi, Milanollo, fils de Stradivarius

De Jean  Diwo publié en 2007

Présenté par Françoise Hurtaud

 

Je suis né en 1728 à Crémone dans le nord de l’Italie. Mon père, Antonio Stradivari, un luthier renommé m’a créé, comme mes autres frères, avec amour et passion. Des planches d’épicéa bien sèches de la forêt voisine, de l’érable pour ma table, du sycomore pour le chevalet et une belle pâte orangé pour le vernis enduisant ma caisse de résonance. Cette teinte si vive de Soleil Couchant est mon nom de baptême.

Le prince Léopold de Saxe va m’acquérir et me confier à son maître de chapelle Jean Sébastien Bach.

Ce dernier s’émerveille d’entendre sous son archet ces voltiges de  puissance et de douceur.

Les années défilent, moi Stradivarius, contrairement aux humains, je ne vieillis pas. Choyé, protégé dans une cassette entourée de linge fin après avoir été essuyé de toute trace de sueur, le vernis caressé, j’attends qu’une main experte m’empoigne avec douceur.

Le temps passe, Bach quitte la principauté et je suis offert par le prince de Saxe au dauphin du roi louis XV.

Direction Versailles, le reine Marie, les courtisans et Mme de Pompadour.

Jean- Marie Leclair violoniste royal est très fier de me jouer, il ne me quitte pas, malheureusement, il est assassiné dans une rue de Paris un soir sous la pluie, et un brigand m’enlève. On me retrouvera plus tard, abîmé et sale dans une devanture avec à mes côtés un hibou empaillé.

Remis en état, je retourne à Versailles, Louis XVI et Marie Antoinette vont connaître les terribles moments de la révolution et Viotti célèbre violoniste de l’époque, craignant pour sa vie, m’emmène en Angleterre.

Je change d’identité, je m’appelle désormais Viotti. J’ai l’immense bonheur de rencontrer des artistes prestigieux comme Vivaldi surnommé le prêtre roux du temps de Bach et à Londres Paganini, Haendel, Johan Strauss et les sœurs Milanollo deux enfants prodiges. Vendu à un célèbre violoncelliste et collectionneur d’instruments à cordes, je deviens Dragonetti et j’y reste jusqu’à la mort de ce dernier.

Légué à Maria Milanollo, dorénavant, je porte  son nom. Accompagné de Térésa, sa sœur je découvre l’Europe puis toutes les grandes villes de France. J’ai un énorme succès, Térésa et Maria sont tellement heureuses de jouer mon divin instrument. Malheureusement Maria meurt à seize ans suite à une infection pulmonaire, Térésa sa sœur très affectée reprendra seule la tournée après un long moment de léthargie dans son refuge à Malzeville près de Nancy.

Térésa va rencontrer un beau capitaine et l’épouser. A peine mariée, elle décide d’arrêter sa vie de scène. Milanollo, noble et superbe stradivarius se repose, de temps en temps, des concerts de charité me font sortir de ma cassette. En 1904, Térésa meurt. La tristesse m’envahit et je suis vendu aux enchères, acheté par un hindou richissime, je vais vivre une existence tranquille en Inde. Mais coup de théâtre, Mr Ratnagar vieillissant me renvoie à Londres pour être cédé à un nouvel inconnu.

Qui sera mon nouveau maître ?  Je ne veux pas être exposé dans un musée, derrière une vitrine avec d’autres frères comme Cessole, Messie ou Général Berthier et d’autres.

Mais la chance me suit, je vais, moi,  Stradivarius éternel, continuer à faire vibrer mes cordes, notamment ma chanterelle. Et surtout, parcourir le monde entier avec des partenaires prestigieux. 

 

                                                                                        Françoise Hurtaud